L’art d’utiliser sa baïonnette…

La baïonnette apparait bien après le mousquet, dans le courant du XVIIème siècle. Elle permet de résoudre une problématique bien connue des régiments de l’époque : le temps de rechargement du mousquet est relativement long, et transformer l’arme à feu en lance donne au soldat une alternative intéressante pour le corps à corps. Peu à peu toutes les armées vont s’en doter…Les premières baïonnettes sont de simples bouchons qui s’emboitent dans le canon. Elles sont bien vite remplacées par des modèles à tenon, qui sont excentrées et permette de tirer la baïonnette en position. Au cours du XIXème siècle, la fixation par cran à ressort va se généraliser, et perdurer.

Nous avons tous en tête ces images des guerres du Premier Empire, avec des régiments hérissés de baïonnettes faisant face à leurs adversaires. A cette époque, la baïonnette est encore une simple pique, sans tranchant, et elle ne peut pas être utilisée individuellement comme poignard ou sabre. Si l’instruction du combattant comprend une formation au combat à la baïonnette, cette escrime bien particulière reste assez difficile à mettre en oeuvre en formation relativement serrée, les positions de garde impliquant de positionner l’arme de 2m de long en diagonales étant un peu délicates à mettre en oeuvre.

Dans le courant du XIXème siècle, l’augmentation des cadences de tir rend les formations en rangs serrés désuètes, et les soldats se dispersent davantage. Ils gagnent ainsi l’espace nécessaire à la manipulation de leur fusil muni de sa baïonnette, et à la pratique d’une escrime finalement assez complexe.

Les manuels militaires français du début du XXème siècle y consacrent de larges chapitres. Citons un exemple du premier chapitre de l’instruction de 1917 qui figure en lien : l’utilisation de la baïonnette « exige la rapidité et violence d’attaque, l’activité poussée au paroxysme, une grande souplesse musculaire, la volonté d’abattre l’adversaire le plus vite possible » et puis « la pratique presque machinale et brutale des coups les plus efficaces, suivis d’arrachements rapides ».

Ce dernier point, l’arrachement rapide, mérité qu’on s’y attarde un peu… car cela amène celui de la forme de la lame. Les baïonnettes à section triangulaire, comme celle du fusil gras, ou en croix, se sont avérées particulièrement meurtrières, car elles provoquent de redoutables hémorragies qui restent internes, le point d’entrée étant assez petit. On lit souvent que ce côté inhumain est une des raisons pour laquelle elles ont été plus ou moins interdites… mais ce n’est pas la seule ! La pointe étant assez petite, l’air n’entre pas dans la blessure, et la lame reste « aspirée » à l’intérieur de l’ennemi, rendant le retrait délicat. Et comme dans un combat rapproché il faut récupérer son arme vite, l’inconvénient est de taille… Avec les baïonnettes à gorge, le problème disparait, l’air entrant dans la blessure avec la lame, et l’on satisfait à la fois militaires et humanitaires. Brrr !

Pour finir, comment se bat-on à la baïonnette ? Et bien c’est simple… on part d’une position de garde haute ou basse, à droite ou à gauche, pour piquer, tout simplement. Deux attaques principales existent. « Piquez » signifie que le combattant porte son arme vers l’avant en la tenant à deux mains, avec force. Lancez signifie que l’on lâche la main avant pour gagner en allonge. L’impact est plus faible, mais la distance fait la différence. Et si l’adversaire est trop près ? Et bien on recule l’arme, et on pique…

Aujourd’hui l’usage de la baïonnette est tombé en désuétude, cadence de tir oblige. Pour autant, l’art martial japonais hérité des techniques enseignées au début du siècle, le jukendo, est toujours pratiqué de nos jours !

 

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