Le bouclier de l’An Mil, d’après la tapisserie de Bayeux

Dans un précédent article, nous avons donné l »historique de cette tapisserie, conservée au musée de Bayeux en Normandie, véritable bande-dessinée du Haut-Moyen-Âge qui est d’une grande richesse de détails pour celui qui s’intéresse à l’armement et à l’équipement des hommes d’arme du XIe siècle. Abordons à présent plusieurs points de cet armement, à commencer par le bouclier, et illustrons notre propos grâce à des relevés faits sur ce document exceptionnel.

Forme : au début de l’An Mil, le bouclier est encore majoritairement rond, d’un mètre environ de diamètre et renforcé de clous. Ce n’est que vers la moitié du siècle semble-t-il qu’est adopté très largement le bouclier en forme d’amande, appelé « écu ». Adoption ne veut pas dire remplacement ! De petits boucliers ronds (cf targe viking) ou ovales équipent encore longtemps les fantassins.

Fabrication : l’écu se compose de plusieurs lattes de bois agencées parallèlement et cintrées à chaud comme les douves d’un tonneau. Il est de forme très allongée pour les chevaliers, plus court pour les hommes de pied. Il est bordé sur toute sa circonférence par une bande de cuir qui l’empêche d’éclater sous les coups de l’ennemi. Il peut être encore complètement tapissé de cuir brut, ce qui le rend très résistant ( voir notre bouclier_normand).

La décoration : le bouclier est peint d’un motif dont on possède de nombreux exemples sur la tapisserie de Bayeux, mais aussi sur quelques chapiteaux du Haut-Moyen-Âge et des enluminures de manuscrits. Dans le Nord, on rencontre des dragons ou des croix droites ou molles. Dans le Sud, on trouve davantage de motifs géométriques : spirales, rayures, etc. On observe également des écus vierges de tout motif, mais pas de toute décoration. Certains sont en effet munis de bossettes métalliques disposées symétriquement sur leurs faces externes comme internes. Il s’agit vraisemblablement de clous de différentes couleurs, à la fois pour décorer et renforcer le bouclier. Les écus des piétons paraissent en règle générale moins décorés que ceux des chevaliers. Ces motifs sont la préfiguration des symboles héraldiques qui apparaîtront véritablement au siècle suivant.

L’umbo : l’écu peut être pourvu en son centre d’un renfort hémisphérique métallique, afin de dévier les coups de l’ennemi et empêcher qu’ils ne le perforent, transperçant par là même le bras qui le soutient à l’arrière. Cet « umbo » est généralement rond, fixé au minimum par 4 clous. Sur les chapiteaux des églises de St-Nectaire et de Clérmont-Ferrand, on aperçoit souvent des umbos en forme d’étoile, avec plus ou moins de branches. C’est peut-être une tradition dans le Centre ou la partie sud de la France.

Suspension : différents modèles sont possibles. Ils consistent en un système de sangles de cuir, fixé à l’intérieur du bouclier, et dans lequel le guerrier vient glisser le bras et aggriper une poignée. Une autre sangle lui permet de suspendre le bouclier au cou pendant qu’il le tient de sa main gauche.

En cliquant sur les planches de relevés, vous pourrez agrandir les dessins de tus les boucliers visibles sur la tapisserie de Bayeux, et vous en inspirer pour décorer vos réalisations (dessins ARMAE).

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