Le gladiateur secutor

La gladiature est un phénomène bien étudiée ces dernières années, et de plus en plus de reconstituteurs s’intéressent à ces hommes déclassés dont les combats sur l’arène inspirent de belles chorégraphies. Pour aller plus loin, certains vont même jusqu’à expérimenter les techniques de combat, et c’est en faisant cela, que l’on peut comprendre les raisons qui ont poussé dans l’Antiquité les professionnels de l’arène à créer tel ou tel type d’armes offensives et défensives. Car, comme de bien étendu, et contrairement à ce que continue de nous montrer les cinéma, les équipements des gladiateurs obéissent à une logique d’efficacité, et celle-ci évolue au fil du temps. Gros plan sur le casque du secutor

Le secutor est un gladiateur qui apparaît vers le milieu du Ier siècle après J.-C. (plusieurs casques de secutor ont été retrouvés à Pompéi). Il est une évolution du gladiateur mirmillo opposé à un autre combattant bien connu, le retiarius (rétiaire), armé d’un filet et d’un trident avec lesquel il essaye d’envelopper son adversaire et de le transpercer, comme un poisson dans une nasse. Les images antiques de ce duel mirmillo-retiarius sont assez rares, mais nous savons que ce duel a existé un temps. Cependant, pour les propriétaires d’école de gladiateurs (on disait alors une famillia, ou un ludus) et les maîtres d’armes (doctores) un problème sautait aux yeux : le casque du mirmillon s’avérait un handicap durant le combat. Son grand cimier surmonté généralement d’un grand panache de plumes ou de crin s’accrochait trop facilement dans les rets du filet. C’est la raison pour laquelle cette opposition fut abandonnée au bout d’un temps relativement bref, et remplacée par celle d’une nouvelle paire de gladiateurs : le rétiaire contre le secutor.

Ce dernier possède le même équipement que son prédécesseur mirmillon, mais son casque a évolué. Il est beaucoup plus épais, pour mieux résister aux puissants coups du trident, qui peuvent être donnés d’estoc ou de taille ; les oeilletons se sont réduits pour que la visière ne soit pas trop vulnérable ; mais surtout, le cimier anguleux a été remplacé par un cimier en forme de croissant de lune, qui ne donne plus prise (ou modérément) au filet. L’équilibre entre les deux combattants semblent rétabli.

Cette évolution dans l’équipement du secutor entraîne de fait un changement de comportement de sa part. Alors que le mirmillon était cantonné à une posture essentiellement défensive, veillant à ne pas se faire accroché par le filet et réduit trop vite à l’impuissance, un peu comme une tour de char d’assaut pivotant sur elle-même pour faire face aux attaques agiles et rapides de son adversaires, le secutor, du fait de sa moindre prise au filet, peut quant à lui adopter une technique plus offensive. Malgré son grand et lourd bouclier (scutum), c’est lui désormais qui fait la chasse au rétiaire. Son nom signifie d’ailleurs « poursuivant ». Désormais, c’est le rétiaire qui fuit devant ses coups. L’équilibre des chances a t’il basculé en faveur du secutor , ce qui serait contradictoire dans la logique gladiatorienne ? Pas complètement, car ce nouveau casque, lourd à porter, présente très peu de jours du fait de son imperméabilité volontaire, ce qui le rend suffoquant. Le secutor doit donc maîtriser impérativement ses efforts, qui sont très violents, car courir après son adversaire lui coupe le souffle très vite. On comprend pourquoi les combats de gladiateurs se terminent souvent par l’abandon de l’un d’eux, par épuisement plutôt que sur blessure.

Le duel secutor-retiarius, de part l’opposition équilibrée mais radicale de ses armes et ses techniques, sera l’un des plus appréciés des amphithéâtres jusqu’à la fin de l’Empire romain. Au IVe siècle, le casque évolue encore ; la crête ronde disparaît au profit d’un cimier pointu sur l’avant. Mais à cette époque, la boucherie importe plus que la technique.

voir : http://armae.com/antiquite/116gladiateurs.htm

Be Sociable, Share!