Le radeau de la Méduse reconstitué

Tout le monde connaît le tableau de Géricault intitulé « Le radeau de la Méduse », exposé au Louvre : une œuvre gigantesque de 7 m X 5 m dépeignant le moment où les survivants du naufrage aperçoivent à l’horizon la voile d’un navire secourable. Mais peu connaissent l’histoire horrible de cet épisode peu glorieux de la marine, survenu en 1816 au large de la Maurétanie. En 2014, une équipe conduite par le musée de Rochefort a entrepris de reconstituer le fameux radeau pour mieux comprendre le destin des naufragés.

Peut-être avez-vous vu cette semaine sur ARTE ce très beau documentaire réalisé par la société Grand angle, qui met en parallèle l’enquête qu’effectua le peintre pour être au plus près de la vérité avant de réaliser son tableau, deux ans à peine après le naufrage de la frégate La Méduse, et le travail de ces passionnés qui ont entrepris l’année dernière (grâce au travail de Philippe Bray conduit par Herlé Jouon et Philippe Mathieu, le conservateur du Musée de la Marine de Rochefort) de reconstruire le plus exactement possible le radeau. Sans doute est-il encore visible sur internet ou rediffusé sur ARTE.

Pourquoi Rochefort ? Parce que c’est de là que partit la Méduse, et c’est là qu’eut lieu plus tard le procès et que se trouvent les archives. Il faut dire que cette affaire est très documentée, grâce aux témoignages des survivants, qui donnent parfois des versions différentes pour masquer des réalités difficiles à avouer : par exemple la volonté de faire place nette sur le radeau en jetant les malades et les blessés par-dessus-bord, et en assassinant en masse des hommes délibérément, sans parler du cannibalisme qui eut cours durant ces 13 jours d’errance.

Pour avoir une narration complète de ces dramatiques événements, nous vous conseillons entre autres la lecture de ce site internet.

Pour faire court, disons que la Méduse s’échoue sans parvenir à se remettre à flot. On décide alors de construire un grand radeau d’environ 20 m sur 7 m, sur lequel on va entasser 150 personnes, prioritairement les soldats embarqués, quelques officiers et notables. Tous les autres descendent dans les chaloupes qui doivent remorquer le radeau. C’est là que prennent place les officiers supérieurs et l’équipage, ce qui leur sera vivement reproché. Le capitaine est le premier à fuir ses responsabilités. Très vite, le radeau est désolidarisé du convoi et part à la dérive ; c’est le début de l’horreur. Les canots ne reviendront jamais les chercher.

Il faut imaginer 147 hommes (une seule femme) voguant sur un assemblage (raisonné) de planches, de madriers et de morceaux de mât, formant un immense caillebotis sur lequel il est difficile de se maintenir ou de marcher sans se briser les jambes. Impossible de se tenir autrement que debout, car le radeau est si lourdement chargé qu’il est complètement immergé. Les hommes ont de l’eau jusqu’au mollet ou jusqu’à la taille, et la mer est forte et recouvre régulièrement le radeau, emportant des hommes à chaque vague. Impossible de se tenir couché ou assis. Pas d’eau douce ; du vin et quelques biscuits qui seront mangés le premier jour. Beaucoup se suicident ou deviennent fous.

Pour comprendre les conditions de vie à bord, le radeau a été reconstruit fidèlement à partir du seul plan que nous possédons, réalisé par un rescapé. 150 personnes se sont installées dessus pour voir à quel point les naufragés manquaient de place. Seuls 15 hommes seront secourus, et plusieurs périront encore dans les jours suivants.

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