Le scramasaxe de Beagnoth… arme et abécédaire !

reproduction_de_la_sax_de_beagnothLe scramasaxe est une arme extrêmement répandue parmi les peuples d’origine germanique de la période des invasions. Il s’agit d’un long couteau à un seul tranchant, se terminant par une longue pointe triangulaire qui peut être affûtée des deux côtés. La longueur de la lame va s’allongeant avec les siècles, allant de 25cm à un peu plus de 50cm à la fin du Haut Moyen Age.

Elle a une silhouette bien particulière qui la rend immédiatement reconnaissable : un manche relativement long, et une absence de garde. Elle se porte Groupe de reconstitution les Ordaliesdans un étui en cuir, en général attaché dans le dos du combattant. Il s’agit d’une arme d’appoint, venant seconder la spatha ou l’épée longue du guerrier germanique. Egalement utilisée dans le monde viking, elle a alors une poignée plus courte.

L’apogée de l’arme se situe en France à l’époque mérovingienne, mais elle sera encore largement utilisée aux VIIIème et IXème siècles en Grande Bretagne où la classe dirigeante anglo-saxonne conservera plus longtemps ses traditions.

Parmi les modèles les plus emblématiques de cette période figure la sax de Beagnoth, trouvée dans la Tamise au milieu du XIXème siècle et aujourd’hui exposée au British Museum. Il s’agit d’une très longue sax, dont la lame mesure 55cm pour une longueur totale de 72cm. Sa pointe est faite de manière à ce que le tranchant de l’arme reste droit jusqu’à l’extrémité de l’arme, lui donnant une silhouette particulièrement agressive.

Détail de la sax de BeagnothComme beaucoup des scramasaxes de cette époque, la lame a sans doute un tranchant en acier plus dur, rapporté, et un noyau plus souple. Elle est également décorée par différents motifs, formés en martelant dans des gorges creusées dans l’acier des fils de cuivre, laiton et argent.

La principale originalité de l’arme réside justement dans ces éléments décoratifs. Si de nombreuses armes germaniques portent des inscriptions en caractères latins, celle-ci a le nom de son propriétaire gravé en… caractères runiques anglo-saxons, variante insulaire de l’ancien alphabet Futhark utilisé par les peuples germaniques continentaux. Mieux encore, l’arme présente un abécédaire montrant les 28 signes de l’alphabet en question.
Runes de la sax de Beagnoth

De manière intéressante, une des runes – S ou sigel – semble avoir été rajoutée dans la séquence, peut-être suite à un oubli de l’artisan.

Scramasax, reconstitution les OrdaliesA quoi pouvait bien servir cet alphabet ? Graver des runes sur une arme est une pratique commune à cette époque, apportant chance et protection. La Walkyrie Sigrdrifa va l’enseigner au héros Sigurd, comme nous l’apprend un des poèmes épiques conservé dans le codex regius : « tu dois connaître les runes de la victoire si tu veux vaincre, en graver sur la garde, quelques unes sur la poignée, quelques unes sur la lame, et deux fois nommer Tyr ». Si l’on comprend l’intérêt de nommer le dieu du combat sur une arme, un abécédaire est plus surprenant, autre mystère de l’arme de Beagnoth.

Une reproduction de cette pièce est aujourd’hui disponible, les incrustations étant toutefois remplacées par de simples gravures.

Un groupe de reconstitution français, spécialisé dans les peuples germaniques de l’époque des grandes invasions propose également de superbes restitutions. Il s’agit des Ordalies http://ordalies.asso.free.fr/index.html

Be Sociable, Share!