Un sujet pointu : le cloutage des semelles…

Nous avons déjà eu l’occasion de vous parler de la fabrication des chaussures dans l’antiquité sur notre blog. Et bien, aujourd’hui, on va vous parler d’un sujet encore plus pointu : le cloutage des semelles !!! Et oui, jusqu’à l’invention des matières plastiques, la plupart des semelles de chaussures étaient soit en bois, soit en cuir. Dans tous les cas, le problème était le même : comment éviter de détruire prématurément ses chaussures en usant ses semelles ?

La solution a été trouvée depuis l’antiquité : c’est très simple, il faut clouter la semelle. Pour l’avoir testée, cette solution fonctionne de manière impeccable… Les photographies des semelles qui illustrent cet article sont celles de chaussures que j’ai fabriqué il y a plus de 12 ans. L’avantage est évident : les clous sont en fer, et le fer s’use bien moins que le cuir.

Une semelle cloutée est tout aussi souple qu’une semelle sans clous, mais elle nécessite de marcher de manière un peu précautionneuse… Pas de problème pour monter des pentes herbeuses, pour avancer dans des sous-bois humides, ou même sur la neige. Par contre, dès que l’on est sur du dallage ou des pierres, la prudence est de rigueur. L’histoire nous raconte la mésaventure de Flavien, centurion Bithynien du futur empereur Titus, qui combattant sur le dallage du temple de Jerusalem, glissa. « Portant, comme tous les autres soldats, des sandales munies de nombreux clous pointus, il glissa en courant sur la mosaïque et tomba à la renverse en faisant résonner bruyamment ses armes ». Cela lui fut fatal…

Revenons à notre cloutage… Ce n’est pas si facile que çà, car planter un clou rigide dans du cuir relativement souple nécessite un bon coup de marteau, appliqué bien perpendiculairement à la semelle pour enfoncer le clou bien droit. Il est absolument essentiel de poser la semelle a plat sur une surface très dure. Pour les chaussures fermées, il faut utiliser un pied de cordonnier en métal. Une petite astuce peut vous aider : tenez le clou avec une fine pince pour l’empêcher de partir de travers pendant que vous tapez. Plus le marteau sera lourd, plus ce sera facile… quand vous aurez le coup de main !

Ceci étant fait, il vous faudra prendre garde à ce que la pointe du clou ne dépasse pas à l’intérieur. Si la semelle est épaisse, il n’y aura pas de souci. Sinon, vous pouvez utiliser la technique des anciens : Laissez sortir la pointe du clou, et courbez le bout à 90° avec deux pinces. Ceci fait, rabattez le tout au marteau. Votre clou fera comme une grosse agrafe, la pointe repartant vers le bas. Il ne vous gênera pas, et ne sera pas prêt de partir.

Et ensuite ? Et bien votre semelle cloutée va nécessiter un entretien régulier… car les clous vont s’user. Il va sans dire qu’il faut utiliser des clous à tête pleine, et pas des clous de tapissier creux. Cela peut se trouver (clous coniques, par exemple) en cherchant un peu. Le talon et la plante du pied seront les premiers à s’user. Attention… dès que l’usure sera trop grande, il vous faudra rajouter des clous. Au bout d’un moment, trouver des emplacements libres pour planter de nouveaux clous va devenir compliqué : si la tête s’use, la tige reste… comme on le voit sur la photo ci-contre. Protéger la semelle est essentiel, donc… pas le choix, il vous faut clouer et reclouer.

Autre problème, certains clous vont partir. Paradoxalement, ceux qui vont s’arracher sont ceux sur lesquels on marche peu : la voute plantaire. Comme on n’appuie pas dessus, il ne sont pas profondément enfoncés, et peuvent s’arracher sur une racine, une pierre… Là aussi, vigilance !

Pour faire une paire de semelles, comptez 100 à 120 clous, mais prévoyez des réserves pour les réparations !

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