Les éléphants de guerre

Après avoir évoqué les guerres puniques en début de semaine, il est logique de s’attarder un moment sur les éléphants de guerre. En 280 av. J.-C., les Romains sont confrontés pour la première fois à une arme nouvelle, qui provoque autant de stupeur que d’intérêt : les éléphants du roi Pyrrhus. À la suite des royaumes africains et orientaux, Rome va elle aussi succomber à la « mode », et aligner avec un succès exagéré des éléphants contre les Macédoniens, aux batailles de Cynocéphales, en 197, et de Pydna, en 168 av. J.-C. Selon Polyen, César en amena un en Angleterre, mais il s’agit sans doute d’une mauvaise interprétation d’un monnayage du proconsul, sur lequel on voit un éléphant écraser un serpent de mer. Cette pièce symbolise plus sûrement la conquête de l’Océan par César, qui est représenté ici par le « blason » de sa famille.

L’éléphant d’Afrique du Nord, disparu depuis, est alors plus petit que son congénère actuel d’Afrique centrale. Les éléphanteaux suivent leur mère durant les déplacements de l’armée. Comparés un peu hâtivement aux blindés de l’Antiquité, les éléphants n’en ont pas la fiabilité. Ce sont des animaux craintifs ; facilement sujets à la panique lorsqu’ils sont blessés et ont perdu leur conducteur, assis sur l’encolure et donc très exposé. Leur instabilité peut s’avérer aussi redoutable pour l’ennemi que pour leur propre camp. Le cornac, appelé « indien » quelle que soit son origine (en référence à l’expédition d’Alexandre le Grand en Inde, où celui-ci apprit l’usage des éléphants), enfonce alors d’un coup de marteau un pieu dans le crâne de l’éléphant, pour le tuer et le stopper net.

Pour atténuer cette inquiétude naturelle et les rendre plus agressifs, on leur donne parfois de l’alcool à ingurgiter, comme aux poilus de la Grande Guerre avant de sortir des tranchées. Du char d’assaut, ils ont du moins l’effet psychologique. Une ligne de plusieurs dizaines d’éléphants chargeant et piétinant tout sur leur passage, saisissant les hommes de leur trompe et les pourfendant de leur défenses, a de quoi effrayer les plus aguerris. De plus, leur odeur et leur barrissement étant insupportables aux chevaux, ils peuvent véritablement arrêter une charge de cavalerie.

Pourtant, malgré sa puissance apparente, l’éléphant est une arme fragile. Très vite les soldats ont appris à les mettre hors d’état de nuire, en les blessant aux yeux, à la trompe et au ventre. Pour éviter qu’on ne leur coupe les jarrets, leurs pattes sont parfois cuirassées de métal ou de cuir. La tactique s’est elle aussi adaptée. Le général aménage dans les rangs de son armée des couloirs où s’engouffrent les éléphants, qui peuvent être alors assaillis de flanc. Pour les protéger au mieux, on dispose autour d’eux un écran d’infanterie légère. Sur leur dos, les bêtes portent parfois une nacelle crénelée, garnie de plaques métalliques et solidement arrimée par des chaînes ou des sangles, dans laquelle se tiennent deux ou trois hommes : piquiers, archers ou lanceurs de javelots.


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