Les torques : bijoux éthniques devenus récompenses militaires

Tout le monde a vu des soldats romains, des centurions pour la plupart, exhiber fièrement sur leur poitrine les récompenses militaires obtenues durant leur longue carrière. Sur une baudrier de cuir couvrant tous le torse, et se bouclant dans le dos, sont en effet fixées un nombre variable de médailles rondes que l’on appelle « phalères » (phalerae), en métal précieux (bronze argenté ou argent le plus souvent), en calcédoine ou en pâte de verre. Mais on y trouve aussi des bracelets et de larges colliers, souvent torsadés. Mais sait-on précisément qu’elle est l’origine de cette dernière récompense ?

Elle vient des Celtes, une fois de plus. Comme les cottes de mailles ou les casques en fer, les Romains ont récupéré sur leurs ennemis celtes vaincus des pièces d’équipement pour les intégrer ensuite à leur panoplie. La motivation de cet emprunt était d’améliorer l’efficacité de leur équipement militaire. En revanche, prendre un collier au cou d’un Gaulois est un geste plus symbolique. En lui enlevant ce bijou qui marquait son appartenance à sa nation, et en le potant ensuite sur soi, on témoignait ostensiblement sa victoire sur un ennemi que l’on avait tué dans la bataille, ou en combat singulier.

Une autre motivation était plus économique. Les soldats ont toujours aimé faire du butin, et quoi de meilleur que des bijoux en or massif parfois richement ouvragés ? Les musées d’Europe renferment dans leurs collections de très beaux spécimens de torques, qui peuvent être datés en fonction de leur typologie. Les historiens grecs et romains écrivaient que tous les Gaulois en portaient un, mais c’était surtout l’élite. La célèbre statue du Gaulois mourant, au musée du Capitole de Rome, montre ainsi un guerrier à terre, entièrement nu, à l’exception de son torque, qui est donc un marqueur d’identité nationale en quelque sorte. Il incarnait la puissance divine, bénéfique et nécessaire de la guerre. Anciennement, des femmes en ont également portés.

L’historien latin Tite-Live racontait ainsi le combat singulier entre un soldat romain, nommé Titus Manlius, et un Gaulois. Les deux armées se disputaient un pont, mais aucune ne voulait se résoudre à le détruire, de peur que l’ennemi y vit un signe de peur. Alors un Gaulois d’une taille impressionnante s’avança au milieu, et exigea que le plus courageux des Romains vienne l’affronter, et que l’issue du duel déciderait du sort de la rencontre. Seul Titus Manlius osa s’avancer, après avoir obtenu la permission de son général. Avec un glaive espagnol et un long bouclier de fantassin, il engagea le combat contre le géant braillard, couvert d’une panoplie brillante et multicolore. Après quelques coups de bouclier, Manlius réussit à s’insinuer sous celui de son adversaire et lui asséna deux coups d’estoc, l’étendant raide mort. Il lui ôta son torque d’or et se le passa au cou. Il fut ensuite surnommé Torquatus, et son exploit passa dans la légende.

Be Sociable, Share!