A quoi sert la pointe au bas des lances ?
Voilà une bonne question, que 99% de la population ne s’est pourtant jamais posée. Comment lui en faire le reproche, car il faut être historien, archéologue ou reconstituteurs pour y trouver de l’intérêt. La réponse est multiple en réalité, et ne manque pas de piquant !
La première idée qui nous vient est assez logique. Une lance doit pouvoir être plantée dans le sol quand le soldat fait halte. Ainsi, il n’est pas obligé de se baisser pour la ramasser. On pourrait alors se dire qu’il suffirait de la planter avec la pointe supérieure, en fer ou en bronze, qui sert d’ordinaire à attaquer l’ennemi. Bien sûr c’est possible, mais cela risquerait d’endommager ce fer de lance s’il rencontrait un cailloux. Une arme doit être préservée et entretenue pour être efficace le moment venu.
La deuxième raison qui incita les guerriers antiques à munir leur lance d’un talon, ce fut pour l’équilibrer. En effet, plus la lance est longue, plus elle aura tendance à piquer du nez sous son propre poids quand elle sera tenue à l’horizontale, face à l’adversaire. Un contrepoids fixé à l’arrière de la lance allège sensiblement l’effort de la tenir en main, ou sous le bras. Toutes les lances n’ont on pas été pourvu, car leur longueur réduite ne l’exigeait pas.
Les soldats perses figurés sur les murs de briques vernissées de Persépolis avaient aussi un lest, mais sphérique. Il ne pouvait pas être planté en terre, ce qui n’avait pas grand intérêt pour le service de garde au palais. Nous connaissons aussi des talons (que les Grecs appelaient « sauroters ») très massifs, à ailettes, pour équilibrer les longues sarisses macédoniennes qui pouvaient mesurer jusqu’à 5 ou 6 m.
Les découvertes archéologiques de la haute-Antiquité montrent des douilles prolongées par des pointes fines, pyramidales le plus souvent, mais parfois coniques. Elles sont généralement en bronze (métal qui ne rouille pas), parfois gravées d’une inscription. Il y a parfois une gorge surmontée d’un anneau plus large que la douille, peut-être pour éviter que la lance ne soit plantée trop profondément en terre, au risque de ne pouvoir être retirée ; une sorte d’arrêtoir en quelque sorte.
La dernière explication est plus guerrière. En effet, si la hampe est brisée dans sa partie supérieure, ce qui devait arriver fréquemment dans la bataille, il suffisait de retourner la lance pour avoir une pointe de rechange. Ce n’était pas sans risque dans la phalange, que d’avoir des talons aussi acérés pointés sur les figures et yeux des soldats des rangs arrières. Une bousculades et des talons qui reculent brutalement pouvaient donc blesser des camarades ; d’où l’intérêt d’avoir aussi des casques solides.
Enfin, quand la phalange avançait, les premiers rangs avaient la lance à l’horizontale, puis les rangs suivants l’avaient à l’oblique, et les rangs arrière, à la verticale. Ceux-là finissaient le travail (si l’on peut dire) en plantant le talon dans les corps des blessés ennemis sur lesquels ils passaient. Les talons se sont beaucoup simplifiés avec le temps, et sont devenus de simples cônes de fer.