La bataille de Puebla : une reconstitution patriotique

Nous avons vu dans un précédent article que la reconstitution pouvait être un outil de reconnaissance identitaire pour certaines minorités. A l’échelle de tout un pays, le phénomène est plus rare, et se démarque des commémorations traditionnelles d’un événement du passé. Nous allons vous parler aujourd’hui d’une gigantesque reconstitution à valeur patriotique : la bataille de Puebla, une commémoration d’un genre très particulier, prétexte à hisser bien haut les couleurs du Mexique et d’en faire un symbole de l’indépendance et de l’unité nationale.

Tout d’abord, un peu d’histoire ! Remontons à la fin du XIXe siècle, quand Napoléon III rêve de gloire militaire pour imiter son oncle, et de fonder un empire colonial. En 1861, profitant de la guerre de Sécession qui immobilise l’Amérique dans un conflit intérieur (il existait en effet un traité non ratifié d’appui militaire des Etats-Unis en cas d’intervention étrangère au Mexique), Napoléon III décide de mettre en place au Mexique un régime favorable aux intérêts français, dirigé par l’archiduc Maximilien de Habsbourg, qui accepte un peu malgré lui de devenir empereur du Mexique.

En 1861, le président mexicain Juarez met fin à une rébellion qui appauvrit encore plus un pays déjà très endetté, notamment vis à vis de l’Angleterre, l’Espagne, mais aussi la France, et décide de suspendre le paiement de la dette. Le prétexte est tout trouvé pour la France de mener une coalition au Mexique et y instaurer un Empire catholique qui contrebalancerait la puissance des Etats-Unis sur le continent américain. Fin 1861 et début 1862, une armée européenne débarque au Mexique : 4000 Espagnols, 700 Anglais, 7000 Français (ils seront près de 40 000 durant la guerre) et 4000 Belges.

Le 5 mai 1862, après quelques petits succès, les Français arrivent devant la ville de Puebla, tenue par plus de 6000 défenseurs. Les Français attaquent frontalement le couvent fortifié du Cerro de Guadalupe, mais sont repoussés après avoir perdu un peu moins de 500 hommes, contre une centaine pour les Mexicains (Puebla sera finalement prise par les Français l’année suivante). C’est cette première victoire, sur une des meilleures armées du monde à l’époque, qui est commémorée par le gouvernement mexicain à travers diverses manifestations, dont un grand défilé patriotique et une vaste reconstitution pour le 150e anniversaire de la bataille.

Les photos et la vidéo qui accompagnent cet article montre le côté kitch de cette reconstitution. Les uniformes utilisés ne sont qu’inspirés de ceux du Second Empire, et les armes sont modernes. Il est vrai que les officiels et spectateurs sont placés très loin de la scène, et que ce qui compte c’est l’effet de masse. Rien à voir cependant avec la qualité des reconstitutions que l’on peut admirer notamment durant la commémoration de Waterloo ou Borodino. L’ambition n’est pas la même, et les circonstances sont très différentes. Cette bataille mexicaine n’est pas rejouée par des reconstituteurs, mais par 2300 locaux ou militaires « déguisés » pour l’occasion.

Cette grande fête nationale a donné lieu également au tournage d’un film : « le 5 mai » (El cinco de Mayo »), et on lui préfèrera sans peine ses reconstitutions et ses ambiances : bande annonce du film.

Pour terminer cette histoire, disons que les difficultés de la conquête et de la contre-guérilla, la menace grandissante de la Prusse en Europe et la fin de la guerre de Sécession, imposent le retrait des troupes françaises et alliées. Abandonné, l’empereur Maximilien refuse de quitter le navire. Il est pris et fusillé en 1867. Le Mexique retombera très vite dans ses querelles intestines.

 

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