La carabine tyrolienne de 1779, une arme d’exception
Tout le monde sait que les soldats des armées européennes du début du XIXème siècles sont équipés d’arme à feu, à chargement par la bouche. Les initiés et connaisseurs savent évidemment que quelques unités d’élite sont dotées de fusils, c’est à dire d’armes à canon rayé. Le tir gagne ainsi en puissance et en précision, mais cela ne concerne qu’une petite partie des combattants, comme les fusiliers britanniques dotés des fameux Baker rifles.
Mais saviez vous qu’une des armées occidentales était dotée de fusils à répétition depuis 1779, capables de tirer une vingtaine de coups à la minute ? L’arme, inventée par un horloger du tyrol du nom de Bartholomäus Girandoni est restée en service jusqu’en 1815, et a servi dans les affrontements contre les turcs et les prussiens…
Le plus extraordinaire dans cette invention est qu’il ne s’agit pas d’une arme à feu, mais d’un fusil à air comprimé, qui plus est doté d’un chargeur de 20 balles. La crosse de l’arme est en fait le réservoir d’air comprimé. En armant le chien, le tireur comprime un ressort qui permet, lorsque la détente est actionnée de faire brièvement entrer l’air dans le canon, propulsant ainsi la balle. Cette dernière a une vitesse et une efficacité comparable à celle des mousquets de l’époque, et peut pénétrer une planche d’environ 3 cm à une vingtaine de mètres.
Pour recharger, rien de plus simple. Il suffit de dresser l’arme à la verticale pour faire glisser une balle du magasin qui longe le canon, à droite sur l’image ci-contre dans un petit tiroir, qu’une action du pouce permet de manoeuvrer. La balle se place dans le canon, et le tir peut reprendre.
Le réservoir d’air a une capacité utile d’une trentaine de coups, aussi le combattant était il équipé de deux réservoirs supplémentaires, et le règlement lui attribuait également une centaine de balles. L’arme mesure 1.2m et pèse 4.5kg, soit des mensurations très similaires à celles de tous les mousquets de l’époque.
Pour recharger ses réservoirs, le combattant est également doté d’une pompe à main. 1500 coups sont nécessaires pour un réservoir, ce qui n’est toutefois guère faisable en plein combat. Pour faciliter le travail, l’armée autrichienne a prévue des voitures dotées de compresseurs et de bidons de rechange. Des courriers étaient chargés de la rejoindre, et d’alimenter les premières lignes.
L’absence de fumée et de détonation en faisaient une arme idéale pour les embuscades et les coups de main. Il faut toutefois relativiser cette discrétion, le bruit au départ du coup n’est tout de même pas totalement négligeable.
Le principal inconvénient de l’arme est sa difficulté de fabrication avec les techniques et matériaux de l’époque. Les joints, indispensables, sont en cuir et doivent être maintenus humides en permanence. Le réservoir est vissé sur le canon, et le filetage est souvent une cause de fuite. Le mécanisme de tir est également complexe, et l’ensemble est finalement relativement fragile.
Il semble qu’en tout 1500 armes aient doté l’armée autrichienne, leur abandon étant finalement lié à la complexité de la technologie à mettre en oeuvre pour les fabriquer et les maintenuir. L’exemple ci-contre, la valve du réservoir actionnée par la détente, en donne une bonne idée, et l’on imagine la question de la pompe à haute pression !
Pour autant, les prussiens et turcs expérimenteront son efficacité, mais il semble bien que les armées de Napoléon n’aient pas eu à l’affronter.