La fabrication traditionnelle du fer et de l’acier

La fabrication du fer est attestée en Europe depuis la fin du deuxième millénaire avant notre ère, mais le métal ne remplacera réellement le bronze que dans la seconde moitié du premier millénaire. Il faut en effet reconnaitre que l’obtention d’un acier de bonne qualité, susceptible d’être transformé en lame ou outil,  est loin d’être une opération simple…

Le fer n’existe pas – comme la plupart des métaux d’ailleurs –  sous forme naturelle, mais est combiné avec d’autres éléments au sein d’un minerai, au demeurant plus ou moins riche. 

Minerai de fer

Minerai de fer

Seuls les minerais contenant des oxydes de fer seront utilisés avec succès dans la fabrication traditionnelle, de l’antiquité à la fin du moyen-âge. La méthode de fabrication part d’un principe chimique relativement simple : puisque notre fer est présent sous forme d’oxyde, c’est à dire qu’il est combiné avec de l’oxygène, il va falloir enlever ces atomes d’oxygène pour obtenir du métal pur. Cette opération, nommée réduction, consiste à mettre notre oxyde de fer en contact avec un autre produit qui s’oxyde encore plus facilement que lui : les atomes d’oxygène combinés avec le fer vont donc avoir tendance à « sauter » sur le produit en question, laissant le fer à l’état de métal.

Bas fourneau expérimental

Bas fourneau expérimental

Mais quel est donc ce produit, à la fois plus facile à oxyder que le fer et qui doit pouvoir être fabriqué avec les technologies de l’antiquité et du moyen-âge ? Il s’agit tout simplement du monoxyde de carbone, dégagé lorsque l’on fait brûler du charbon de bois dans de mauvaises conditions – fléau des appartements chauffés au charbon durant le siècle dernier. La réaction de réduction ne se produit toutefois qu’à haute température, aux alentours de 1000°.

Le processus de fabrication est donc le suivant :  on va empiler dans un four en forme de tour plusieurs couches de charbon de bois et de minerai, puis y mettre le feu en ventilant au bas de la tour afin d’assurer un tirage suffisant. Le charbon de bois, brûlant dans un environnement clos, va donc dégager du monoxyde de carbone qui va réduire le minerai, mais aussi apporter du carbone qui va se mélanger au fer pour obtenir cet alliage fer-carbone bien connu sous le nom d’acier. La ventilation est essentielle, pour assurer une montée en température suffisante, et l’on utilisera soit des soufflets, soit le vent, si la région le permet.

Laitier s'écoulant du bas fourneau

Laitier s'écoulant du bas fourneau

Des résidus vont se former dans le bas du four, nommés « laitier », que l’on fait souvent sortir par un trou ménagé au bas de celui-ci. Ces résidus sont liquides à la température du four, et s’écouleront naturellement. Attention, il ne s’agit pas là de fer, mais bien de résidus… Le fer quant à lui va s’agglomérer progressivement au centre du fourneau, formant un bloc, la loupe. Contrairement à une idée recue, il ne sera pas liquide… la température atteinte dans le fourneau, de l’ordre de 1000 à 1300° est bien inférieure à celle de son point de fusion, à 1500°. Ce ne sera qu’aux époques récentes que l’on arrivera à monter suffisemment en témpérature dans les fours pour dépasser ce seuil. On parlera alors de haut fourneau, et notre four traditionnel sera alors nommé bas fourneau…  

Loupe de fer

Loupe de fer

Revenons maintenant à notre loupe : il s’agit d’un bloc hétérogène de fer et de scories contenant un mélange d’acier et de fer doux (métal à faible teneur en carbone). Il est en l’état à peu près inexploitable. Il va falloir le travailler longuement à la forge et à chaud pour extraire les impuretés, et mélanger les différentes nuances de métal entre elles. C’est durant cette étape fondamentale que le savoir faire du forgeron va devoir s’exprimer pour créer un lingot de métal suffisemment dégagé de ses impuretés pour éviter tout risque de rupture de la lame, et dans lequel la teneur en acier au carbone sera suffisante pour que le produit final soit au niveau de résistance souhaité.

Coupe de la loupe

Coupe de la loupe

Comme on l’imagine, obtenir un niveau de qualité régulier avec un tel procédé nécessite un choix rigoureux du métal, une mise en marche du bas fourneau à des moments bien choisis, pour que les conditions extérieures soient idéales (vent, teneur en humidité de l’air), et un réel coup de main lors de la phase de martelage et de corroyage, et surtout beaucoup de temps…

Il restera ensuite à transformer ce lingot en épée, hache ou outil, mais c’est une autre histoire, et sans doute un autre article !

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