La lorica segmentata… ou les lorica segmentata ?

L’antiquité romaine connait plusieurs types d’armures : la cotte de maille, ou lorica hamata, la cuirasse musclée héritée des grecs, ou lorica musculata, la cuirasse à écailles, ou lorica squamata, et la fameuse lorica segmentata, formée de lames de fer assemblées sur des sangles de cuir, avec son aspect si particulier. Bien d’autres armures ont existé, bien sur, et le british museum en montre une en peau de crocodile…

Mais revenons à cette segmentata… D’abord, le nom est moderne, et oui ! Nul ne sait comment les légionnaires la désignaient effectivement.

Segmentata type Kalkriese – sangles directement rivetées sur les plaques

Cette armure apparait sans doute au tout début du premier siècle de notre ère, car on en trouve des vestiges sur le site du désastre de Varus. Les plaques pectorales, solidaires des épaulières, sont solidarisées au torse par des sangles directement rivetées sur les plaques et des boucles. Les épaulières sont constituées de bandes en arc de cercle, et le torse de bandes en arc de cercle également. Cette disposition confère une certaine élasticité à l’armure, qui permet d’absorber les impacts. Le principe de construction va rester le même pendant trois siècles, mais les fabriquants vont sans cesse faire évoluer le modèle,

Corbridge A : fixation des sangles via une articulation

sans doute pour résoudre le principal problème de cette armure : la fragilité des sangles et boucles.

Le modèle suivant, le type Corbridge A, qui est aussi le plus répandu en reconstitution, va voir ces sangles et boucles améliorées. Le remplacement des sangles, qui s’usent et cassent assez vite, va être simplifié. Elles ne sont plus rivetées directement sur les plaques, mais pincées dans une pièce en laiton, elle-même reliée par une charnière à une autre pièce de laiton, qui elle est rivetée sur les plaques.

Corbridge B : sangles remplacées par des crochets

Le modèle suivant, le Corbridge B, résout définitivement le problème des sangles attachant le haut de l’armure au torse. Elles sont remplacées par des crochets, beaucoup plus solides. Le prix à payer pour cette amélioration est une petite perte de mobilité, la liaison torse-épaule étant plus raide – mais c’est justement l’élasticité du cuir qui permettait de l’éviter qui usait les pièces… Enlever un rivet sans meule est en effet une opération un peu fastidieuse, et on comprend que le légionnaire ait voulu l’éviter.

Newtead : les sangles ont complètement disparu

Au second siècle, apparait le modèle de type Newstead. Le nombre de pièces différentes constituant l’armure diminue, et les sangles et liens de cuir disparaissent totalement. Des pièces en bronze sont rivetées sur les plaques du dessus, traversant des trous des plaques du dessus, et fixées en place par des clavettes. La souplesse des premiers modèles a largement disparu, sauf au niveau des épaules, mais l’armure nécessite bien moins d’entretien. De nombreuses variantes différentes existent, certaines avec des charnières sur les épaulières, d’autre sans.

On connait maintenant un modèle plus tardif encore, le type « Alba Iulia », qui date du IIIème siècle. Pour autant, il ne faut pas croire qu’il existe des modèles réglementaires de lorica segmentata…

Colonne de Marc Aurèle, sans grands plaques pectorales

Il y a aujourd’hui 5 grands types de connus, mais on note de très nombreuses variations entre les modèles. Comme pour les casques du haut Empire, les armures n’étaient pas encore standardisées, et fabriquées sur mesure, avec des variations importantes d’un artisan à l’autre. La colonne de Marc Aurèle nous permet de voir des légionnaires en segmentata, mais dont l’armure ne présente pas ces grandes plaques pectorales protégeant le haut du torse, mais plutôt plusieurs petites bandes.

C’est ce type de représentation qui a amené certains reconstituteurs à proposer des restitutions dans lesquelles les grandes plaques pectorales sont remplacées par plusieurs bandes, comme sur ces figurations de la fin du second siècle.L’exemple ci-contre est celui d’une Corbridge B, avec en plus des bordures laitons sur certaines plaques. Ce dernier point est attesté sur certaines pièces, comme l’encolure pour un modèle Kalrkriese, par exemple.

 

 

Be Sociable, Share!