la tapisserie de Bayeux, naissance de l’héraldique

Avec l’évolution de la société féodale est apparu le besoin d’être distingué. D’abord les rois et les princes, mais aussi tous les degrés de l’aristocratie, et même plus tard toutes les couches non combattantes de la société, mêmes roturières. Ce processus de reconnaissance sociale démarre au début du XIe siècle et s’achève au début du XIVe siècle. En ce qui concerne les seigneurs et les chevaliers, cette invention vient de la nécessité d’être reconnu dans la bataille, pour éviter de fâcheuses méprises et pour rallier ses troupes.

Une scène de la tapisserie de Bayeux nous montre un exemple clair de ce qui a dû favoriser la création des armoiries. Guillaume le Conquérant, en plein combat à Hasting, est annoncé comme mort, ce qui entraîne la panique dans les rangs normands. Le duc est obligé d’enlever son casque pour se faire reconnaître des siens et remotiver ses hommes qui bousculent les Saxons. A ses côtés se tient son frère portant la bannière que lui a envoyée le pape, marquée de la croix de Jérusalem. Le développement de l’équipement militaire au XIe siècle efface toute identité, avec le port d’un haubert masquant presque entièrement le visage du chevalier, ainsi qu’un casque à nasal. Ce point sera encore plus vrai au XIIe et XIIIe siècle avec les heaumes cylindriques.

Au XIe et au début du XIIe siècle, durant cette phase de gestation, apparaissent des marques distinctives sur les bannières, comme le montre la tapisserie de Bayeux en moult exemplaires. Ce sont les prémisses des blasons qui vont décorer ensuite les boucliers et les sceaux.

Il n’est toutefois pas encore possible de parler de blason à cette époque, car ils n’ont sans doute pas encore ce caractère systématique et exclusif qui fait l’intérêt des armoiries (sur la tapisserie, pour un même personnage, bouclier et bannière sont encore différents). Ce sont d’abord des formes simples, géométriques, animales ou florales. Les couleurs prennent de l’importance progressivement, quand se met en place l’héraldique, au XIIe, et lorsqu’elle se diffuse au siècle suivant. Au milieu du XIIe, les six couleurs sont réparties en deux groupes, d’un côté le jaune et le blanc, de l’autre le noir, le rouge, le vert et le bleu. La règle veut que ne soient pas juxtaposées deux couleurs d’un même groupe, pour une question de visibilité de loin. Sur la tapisserie de Bayeux, les couleurs montrées n’ont sans doute pas de sens ; les brodeurs utilisant les teintes de laine à leur disposition.

Fixées à des hampes de lance, les bannières présentées sont carrées, prolongées de 3 festons généralement, plus ou moins longs, mais parfois quatre ou cinq flammes sont visibles. Un exemple est formé d’un demi-cercle festonné sur son pourtour et décoré d’un corbeau. Les Saxons offrent également des enseignes en forme de dragons flottant dans le vent. Sans doute textiles, ils sont les héritiers des enseignes militaires romaines du Bas-Empire. On retrouve ces dragons sur de nombreux boucliers de l’époque. L’héraldique est en marche.

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