Le casque Adrian : une passoire ?

Cet article reprend et complète l’histoire de l’adoption du casque Adrian en 1915, que nous avons déjà abordée dans ce blog et que vous pourrez retrouver sur ce lien. Pour résumer, disons simplement que l’uniforme français au début de la Grande Guerre n’était pas le plus approprié pour faire face au nouveau type de conflit. Ainsi, le képi ne protégeait pas le soldat des blessures à la tête, alors très nombreuses en raisons de l’accroissement considérable des moyens de destruction (les 2/3 des blessures). L’adoption d’un calotte métallique à poser dessous, directement sur le crâne, s’avéra finalement insatisfaisante. Il fallait donc un casque : un vrai !

L’intendant militaire Louis Auguste Adrian se rend alors à l’usine Japy à Beaucourt, située dans le Territoire de Belfort. Pourquoi là ? Tout simplement parce cette fabrique fournit déjà les armées française depuis 1806. Elle participe à l’effort de guerre en fournissant des casseroles pour les cuisines roulantes, gourdes, gamelles, quarts, bouthéons… Il y a donc un savoir faire à exploiter, mais aussi une structure capable de répondre rapidement à des besoins énormes. L’usine est appelée « la casserie » car elle fabrique des « casses », c’est-à-dire des casseroles.

Avec le chef d’atelier Louis Kuhn, l’intendant Adrian dessine le casque qui portera désormais son nom. Joffre valide le modèle et la production est lancée chez Japy, mais aussi dans cinq autres usines de la région parisienne. L’affaire n’est pas simple, car ces usines manquent de bras depuis que les hommes ont été réquisitionnés et envoyés au front. On fait alors appel aux femmes et aux enfants de plus de 12 ans, mais c’est insuffisant. Des soldats sont donc rappelés. On les appellera des « affectés spéciaux ».

Le casque Adrian est donc fabriqué comme une casserole, avec une 20e d’étapes, en acier de 7/10e de mm d’épaisseur. Il s’avère léger (750 grammes) et il est aussi adopté par les poilus dès l’automne 1915. Vingt millions sont ainsi produits jusqu’en 1918, dont 3,5 millions dans la seule usine de Beaucourt. On en trouvera aussi dans les armées russe, roumaine, italienne, et même américaine. A la fin de la guerre, que faire des stocks ? Et bien les casques vont être démontés. Sans visière, cimier et insigne, ils vont être transformés… en passoires à salade. Rien en se perd. Les archéologues ont exhumé ainsi un casque gaulois transformé en chaudron il y a 2000 ans. Les habitudes ne changent pas.

D’après un article du Journal Ouest France, de Thibault Quartier (photos : musée Japy).

Site Internet du musée Japy

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