« Le dernier samouraï » était français

Il y a peu, nous vous avons raconté l’histoire du samouraï noir, qui vécut une aventure extraordinaire dans le Japon du XVIIe siècle. En préambule, nous avons évoqué celle de cet officier qui inspira le film « Le dernier samouraï », joué par Tom Cruise. Celui-ci se voulait être un capitaine de la cavalerie américaine hanté par sa guerre contre les Indiens, et qui accepta de devenir conseiller militaire au Japon, à la fin du XIXe siècle, confronté aux changements de l’ère Meiji. Les héros hollywoodiens doivent forcément être américains… Ce beau film ne doit pas nous faire oublier que ce vrai personnage était français. Voici son histoire…

Il s’appelait Jules Brunet, et il était né à Belfort, en 1838. A sa sortie de Polytechnique, il choisit l’artillerie en 1861, et part peu de temps après au Mexique où il participe brillamment à l’expédition de Napoléon III, ce qui lui vaut la Légion d’honneur et d’être affecté au régiment d’artillerie de la Garde impériale. En 1866, il est envoyé au Japon, comme conseiller militaire, afin de moderniser l’armée du shogun Yoshinobu Tokugawa. Le pays est encore fortement ancré dans les traditions et a pris un gros retard dans le concert des nations, ce qui le désavantage lourdement dans les négociations politiques et commerciales.

Si les Anglais prennent le parti du nouvel empereur Meiji, les Français quant à eux, fort d’un pacte d’amitié avec le shogunat, et toujours désireux de contrecarrer les visées britanniques, soutiennent le shogun. Doué d’une forte et belle personnalité, charismatique, esthètes, conscient des subtilités de la culture japonaise, le capitaine Brunet se lie très vite à ses homologues japonais. Mais le shogun ne peut combler son retard, et il abandonne sa fonction au profit du jeune empereur Meiji. Il se voit toutefois contraint de prendre les armes et de soutenir ses samouraïs inquiets de perdre leurs anciennes prérogatives.

C’est le début de la guerre du Boshin, en janvier 1868. Les armées du shogun, bien que supérieures en nombres, ne peuvent rivaliser avec l’armée modernisée par les adversaires de la France. Il capitule en avril. La France se voit contrainte de déclarer sa neutralité dans le conflit, et la mission des conseillers militaires perd sa raison d’être et doit rembarquer. C’est mal connaître Brunet qui refuse d’abandonner ses camarades japonais et les intérêts de la France dans l’île du Soleil Levant. Il est placé en congé exceptionnel par le ministère de la guerre pour pouvoir rester au Japon, avec huit autres de ses camarades.

La guerre est très mal engagée pour les samouraïs, car leurs adversaires disposent maintenant du nombre et d’une puissante artillerie. Ils fondent néanmoins l’éphémère république indépendante d’Ezo, sur l’île d’Hokkaido, en 1869. Brunet reprend l’instruction des soldats. Mais l’armée impériale entreprend le siège de l’île, et les 800 défenseurs capitulent. Pour les soustraire aux représailles, un navire vient récupérer les conseillers français. La France refusera de les livrer. Revenu à Paris, Brunet reçoit un blâme pour son ingérence dans les affaires politiques d’un pays étranger, et il est mis à pied, en apparence du moins, pour calmer la rancune de l’empereur du Japon. En 1870, il participe à la guerre contre la Prusse, puis à la répression de la Commune de Paris. Il terminera sa carrière comme général de division. Il meurt en 1911.

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