Le scutum des légionnaires (2e partie)
Au tout début de l’Empire (qui commence officieusement après la victoire d’Octave à Actium, en -31, contre son rival Marc Antoine), Auguste met en oeuvre une série de réformes, destinées à améliorer les équipements militaires de l’armée romaine : légions, auxiliaires, marine. Il est remarquable de constater que durant cette période de transition entre deux sortes de régime, la République et l’Empire, l’équipement militaire évolue considérablement. Certes, l’allure générale reste la même, mais de multiples détails sont revus et corrigés. En réalité, il est fort possible que certaines de ces mesures aient été déjà initiées antérieurement, et qu’elles aient été régularisées ensuite.
Le grand bouclier ovale et cintré, le scutum, subit quelques modifications. Il s’allège par la suppression des extrémités supérieure et inférieure, qui réduisent sa hauteur à environ 1m. Ce type de bouclier, dont seuls les flancs sont encore convexes, est visible sur un certain nombre de reliefs du Ier siècle de notre ère, tant militaires que gladiatoriens. Pourtant, le scutum complètement rectangulaire (par découpe des flancs), existe lui aussi à une date précoce, puisque la première représentation est datée vers 20 av. J.-C., sur le mausolée de Munatius Plancus. Il est possible en réalité qu’il soit inspiré des boucliers des gladiateurs mirmillons, puisqu’il est mentionné dans la littérature latine sous le nom de « myrmillonicum scutum ».
C’est sous cette forme que le bouclier romain est le plus connu, et qu’il est représenté sur bon nombre de documents commémoratifs romains, comme la colonne trajane. Pourtant, les stèles funéraires des soldats ne montrent qu’exceptionnellement des formes rectangulaires, mais plus couramment des formes ovales ou oblongues. Ce bouclier n’est donc pas si répandu que cela ! L’archéologie nous confirme que le grand scutum ovale et cintré perdure au moins jusqu’à la fin du Ier siècle de notre ère, notamment chez les prétoriens, mais aussi chez les légionnaires.
Sa fabrication est toujours la même, en bois recouvert de cuir brut, peint, et cerclé de métal. Ces bordures sont parfois remplacées par des bandes de cuir brute cousues, d’une grande solidité. Vers la fin de l’Empire, ce changement semble se généraliser. Retrouvées parfois en fouilles, des housses en cuir qui recouvraient ordinairement les boucliers lorsque le soldat ne combattait pas, permettent aujourd’hui de se faire aussi une idée des proportions du scutum.
Au Ier et IIe siècle, elles semblent de 90 X 65 cm environ. Mais au IIIe siècle, elles augmentent pour donner un bouclier d’environ 100 cm de haut sur 70 de large, comme en témoigne un artefact retrouvé à Dura Europos en Syrie, daté de 256 apr. J.-C.
A cette époque, la décoration des boucliers s’est complexifiée, ce que révèlent d’autres boucliers découverts sur le même site, dont la plupart sont de forme ovale et lenticulaire. Ceux-ci se généralisent au Bas-Empire. A noter toutefois que si le scutum est à juste raison considéré comme un bouclier de légionnaire, quelques rares cohortes auxiliaires en ont été pourvu au Haut-Empire, comme on peut le voir sur la colonne trajane.