les remparts médiévaux d’Aigues-Mortes

Si l’on connaît bien l’imposante cité médiévale de Carcassonne ou les remparts de Provins par les manifestations de reconstitution historique qui s’y déroulent chaque année, un autre site mérite le détour, à une trentaine de kilomètres de Nîmes ou de Montpellier, il s’agit de l’enceinte fortifiée d’Aigues-Mortes : un petit bijou du Moyen-Âge préservé en raison du déclin de la ville au XIVe siècle qui a empêché l’urbanisation moderne de le défigurer.

Le site marécageux est connu dès l’Antiquité. La tradition rapporte qu’un certain Peccius y aménagea les premiers marais salans. Le nom de la ville vient de l’occitan Aigas Mortas, qui signifie « eaux mortes » (dérivé du latin Aquae Mortuae). L’exploitation du sel et la pêche font vivre les habitants de la région. Pour leur protection, Charlemagne fait ériger en 791 la tour Matafère, qui sera ensuite donnée au couvent des bénédictins. Ce n’est que sous Louis IX, dit Saint-Louis, qu’une ville se développe. Le XIIIe siècle est une époque de croisades, et pour partir à Jérusalem, il faut embarquer sur des navires italiens. Pour casser cette subordination, le roi souhaite un accès à la mer, mais ses possibilités sont maigres, car à l’Est Marseille appartient au roi de Naples, son frère Charles d’Anjou, et à l’Ouest Agde est entre les mains du Comte de Toulouse, et Montpellier dans le domaine du roi d’Aragon. Enserrée entre ces possessions étrangères, Aigues-Mortes semble donc tout désignée. Saint-Louis négocie un échange de territoire avec l’abbaye bénédictine et commence la construction de fortifications qui ne s’achèveront que plusieurs décennies plus tard, poursuivie par ses héritiers. La ville n’est pas en bordure de mer, mais un canal est aménagé jusqu’au port qui se situe plus loin. D’Aigues-Mortes, Louis IX embarque deux fois pour la Terre Sainte : en 1248 (7e croisade) et en 1270 (8e croisade). Il ne reviendra jamais de ce second voyage, terrassé par la dysentrie.

Aujourd’hui, l’enceinte fortifiée, dégagée de toute construction face à la mer, offre un point de vue exceptionnel. Le visiteur peut faire le tour des remparts par le chemin de ronde (environ 1600 m)  pour admirer le paysage de la ville moderne, des salines, mais aussi intra muros pour admirer les rues et les toits des maisons édifiées à l’intérieur de l’enceinte du XIIIe siècle. La tour Constance, érigée entre 1241 et 1254 sur l’emplacement de l’ancienne tour Matafère, permet de prendre encore plus hauteur à une quarantaine de mètres au-dessus du sol. Les salles sont magnifiques, mais au XVIIIe siècle elles servirent de prisons à des femmes protestantes. Dans les bastions qui surplombent les portes, une belle muséographie permet d’en apprendre plus sur l’histoire de la ville. Ces fortifications n’ont pas été restaurées au XIXe siècle, comme celles de Carcassonne, et elles nous donnent donc un aperçu exceptionnel de l’architecture militaire en milieu marécageux au XIIIe- et XIVe siècles.

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