Marcher en légionnaire romain, conseils…

La reconstitution historique, c’est tout d’abord constituer son équipement, pas à pas, étape par étape… Lorsqu’on est prêt, on peut enfin le porter au cours d’une manifestation, et le présenter. Mais la reconstitution, c’est aussi – et peut-être même surtout – l’expérimentation. Cela veut donc dire porter sa tenue, dans des circonstances aussi proches que possible de la réalité historique…

Et il y a une expérimentation que je recommande à tout reconstituteur de tester, c’est de marcher avec un équipement complet. Pas 10 ou 15 minutes, mais bel et bien plusieurs heures, et avec un paquetage complet, histoire de voir comment c’était. C’est quelque chose que nous avons fait quasiment tous les ans entre 2006 et 2010 en tenue de légionnaire romain du début du premier siècle, et ce fut riche en enseignements.

Un historien ou un archéologue écrirait à ce sujet un article bien complet, en déduisant plein de choses sur les déplacements des armées, les campagnes… L’idée de cet article n’est pas de concurrencer de telles publications, mais simplement de parler de l’expérience de l’intérieur, en tant que simple reconstituteur.

Le premier conseil est de commencer… doucement ! Ne vous lancez pas dans une marche de plusieurs km tant que vous n’avez pas testé votre équipement. Et oui, dès le premier kilomètre, vous allez rencontrer tout un tas de problèmes très simples… La hauteur du glaive vous gêne, et votre ceinture descend…  Ou alors vous n’arrivez pas à caler votre paquetage, et votre casque se sauve… Ces premières observations vous conduiront à adapter, modifier, ajuster toute votre tenue.  Et là, vous êtes prêt pour le test en grandeur nature.

Le légionnaire romain marche un bouclier à la main, et en ayant accroché son paquetage sur une sorte de fourche, qu’il porte sur l’épaule avec ses pila, que l’on voit bien sur les photographies. Une ou deux heures, tout va bien, mais au bout d’un moment, tenir la poignée du bouclier à la main devient absolument insupportable. Il faut donc trouver une solution. Une sangle de cuir passée dans la manipule puis en bandoulière est d’expérience ce qu’il y a de plus pratique (vous la voyez sur la photo ci-contre). Elle prend idéalement le haut du bras opposé, pour éviter de porter sur la base du cou, ce qui est très inconfortable. Le réglage est par contre plus que pénible. Trop courte, elle empêche de bouger le bras. Trop longue, le bouclier bat sur les jambes de manière très désagréable. Une fois bien installé, la marche est assez confortable, et l’on peut même ouvrir la sangle assez vite en cas d’urgence.

Un autre souci est de tenir la fourche et les pilas dans une main. Avec deux pilas et la forca, la main n’est pas assez grande pour saisir les bois et tout glisse tout le temps. La seule solution est de lier tous les manches ensemble, mais pas question de lancer un javelot à l’improviste.  L’idéal est de ne porter qu’un seul pilum, ce que tout le monde finit en général par faire.

Très rapidement une constatation va s’imposer. Quand on marche en armure avec équipement, on fait du bruit, beaucoup de bruit. En fait l’armure et les armes tapent sur le bouclier, les casseroles sur le paquetage, le casque s’entrechoque avec le reste. En fait on entend assez mal tout ce qui se passe autour !

Quant à garder son casque sur la tête, ceux qui ont un grand garde nuque peuvent oublier… les manches des javelots tapent dans la nuquière, tout comme le haut du bouclier accroché dans le dos. En fait, l’impression est un peu d’avoir une cloche sur la tête un jour de messe.

Tout ces petits détails, vous vous y ferez. Par contre, au bout de quelques heures, il y a quelque chose qui va devenir difficile à supporter, c’est le poids. D’expérience, ce n’est pas le dos, ou les jambes, mais bien les pieds le problème. Avec 30kg de plus qu’à l’habitude, et des semelles dures et plates, cela finit par faire un peu mal…

Un autre test très intéressant est de marcher… en plein hiver. A tous les problèmes précédents s’ajoute celui du froid, et des manteaux. En côte, quand on monte, pas de problème. Avec 30kg de plus, on n’a jamais froid. Par contre, en descente, c’est une autre histoire. Il faut donc faire attention à gérer son effort pour ne pas transpirer, et éviter d’être gelé à l’arrivée. Et oui, dans l’antiquité, pas de tissus techniques ni de polaires. La matière la plus agréable est sans nul doute le cuir, et les grandes paenula que l’on peut entrouvrir ou refermer.

Et pour finir, le panorama ne serait pas complet si on n’évoquait pas une marche sous la pluie en hiver… Première observation, on a les pieds trempés et boueux, mais ce n’est pas vraiment gênant, à une condition toutefois : il ne faut jamais s’arrêter de marcher ! Seconde observation, les capes en laine protègent bien de la pluie, mais se mouillent petit à petit, et donc… s’alourdissent !

Alors, laissez vous tenter. L’expérience vaut le déplacement (si l’on peut dire), et lorsque vous croiserez en hiver dans des bois quelques rares promeneurs, leur tête en vous voyant vaudra le détour !

 

 

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