Peut-on courir dans les bois avec un Charleville 1777 ?

Les mousquets d’infanterier des guerres napoléoniennes ont tous un point commun : ils sont d’une longueur et d’un poids considérable au regard des armes modernes.Aucun des belligérants ne fera exception, qu’il s’agisse des anglais, prussiens, français, russes… Toutes les armes sont d’une belle longueur.

Le Charleville 1777 français mesure 1m53 et pèse 4.6kg. Si l’on ajoute la baïonnette, il passe à 1m90. Le Brown bess britannique mesure à l’origine 1m60, mais sa version dite « indian pattern » ne mesure que 1m40 – mais toujours avec une baïonnette de 40cm.

Pourquoi ces armes sont-elles si longues ?  L’explication traditionnelle est relativement simple : plus le canon est long, plus la vitesse de la balle est importante. Dès lors, on va gagner à la fois en portée et en puissance d’arrêt (l’impact). Les armes longues sont aussi plus précises, le parcours de la balle dans le canon lui permettant de mieux stabiliser sa trajectoire. On peut aussi se demander si la seconde utilisation du fusil, traditionnelle au XVIIIème siècle, comme pique grâce à sa baïonnette, n’a pas contribué à conserver des armes de grande longueur.

Quoi qu’il en soit, en formation serrée sur les champs de bataille dégagés d’Europe, ces longues armes, à la fois puissantes et relativement précises (pour l’époque), permettant de hérisser les carrés d’infanterie d’une forêt de baïonnettes acérées, ont bel et bien fait leurs preuves. En témoigne leur longévité et leur popularité : notre Charleville français a été produit à plus de deux millions d’exemplaires entre 1776 et 1822, le Brown Bess à près de  trois millions sur la même période…

Vous vous imaginez sans doute bien défiler au pas cadencé, en uniforme de la fin du XVIIIème, avec votre arme de 1m50 sur l’épaule, puis la poser au sol et fixer sa baïonnette dont le sommet vous dépasse largement. Mais changeons maintenant de théâtre d’opération… allons arpenter les forêts et montagnes du Canada, pendant la guerre de 7 ans.

Les uniformes et équipements ne sont pas si éloignés de ceux des guerres napoléoniennes, mais le décor est bien différent… Plus de grandes plaines, mais des collines et des bois, et davantage de sentiers que de routes. Dans de telles conditions, marcher avec un fusil de 1m60 en bandoulière, dont le sommet dépasse le haut de votre tricorne de plus de 20cm semble bien moins confortable. Imaginez ensuite, à l’occasion d’une escarmouche, qu’il vous faille pivoter dans les buissons tout en épaulant… bonne chance ! Et pour finir, partez en courant dans ce sous bois, avec un engin de 1m90 baïonnette au canon.

Et c’est ainsi que sont apparus les tous premiers mousquetons Brown Bess de l’histoire… Les troupes anglaises, tout particulièrement les régiments d’infanterie légère et les highlanders, en ont vite eu assez de leurs armes de 1m60 à peu près impossibles à manœuvrer aisément dans un bois, et ont commencé, tout simplement, à les raccourcir en coupant le canon. Et tant pis pour la précision et la portée de l’arme, moins importantes que la maniabilité dans un tel contexte.


Ce ne sera que quelques années plus tard que les belligérants vont se doter officiellement de mousquetons, mais pour équiper leurs cavalerie, et certaines unités d’artilleurs. Seules quelques unités de fusiliers seront équipées d’armes courtes – mais au canon rayé –  comme les britanniques avec leur Baker Rifle, mais c’est une autre histoire !

 

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