Port d’arme et reconstitution historique, un casse-tête enfin résolu

Quel reconstituteur ne s’est pas posé la question de savoir si il pouvait ou non se déplacer en toute légalité avec la totalité de son armement ? Depuis le 2 août dernier, la réponse est nettement plus simple que par le passé, avec la parution au journal officiel du décret 2013-700 du 30 juillet 2013 qui vient préciser le régime des différentes armes… et reconnait la reconstitution historique très officiellement !

Exit les 8 catégories précédentes, au profit de quatre lettres seulement : A, B, C et D. La catégorie A correspond plutôt à du matériel de guerre (acquisition et détention interdits), B à des armes modernes semi automatiques (autorisation préalable nécessaire), C aux armes à feu dont la cadence de tir est limitée ou les projectiles sont non métalliques (en gros les carabines de chasse, déclaration lors de l’acquisition). La catégorie D est celle qui nous intéresse, car elle englobe toutes les armes blanches et les armes dites historiques, qui sont en acquisition et détention libre.  Mais comme souvent dans les textes, le diable se niche dans le détail… et nous ne pouvons pas résister à la tentation de vous souligner quelques points, du point de vue du reconstituteur – ce qui explique que nous ne parlerons pas des tasers et autres armes à balles en caoutchouc…

Les armes blanches sont qualifiées « d’objets susceptibles de constituer une arme dangereuse pour la sécurité publique ». Seules quelques armes sont citées explicitement et feront donc l’objet d’un régime spécifique, essentiellement à l’importation. Il s’agit des poignards, matraques et des armes blanches dissimulées. La liste est donc plus concise que par le passé, et vous noterez, point important, que la AX122 armae.combaïonnette n’y figure plus.

Les armes à feu dont le modèle est antérieur à 1900, fonctionnelles, sont désormais libres. Vous l’avez immédiatement noté, on parle de l’année du modèle, pas de l’année de fabrication… A ce sujet, le législateur a immédiatement prévu un petit bémol : certaines armes dont le modèle est antérieur à 1900 peuvent tout de même être classées dans une autre catégorie, en raison de leur dangerosité, et il est fait explicitement référence à une année de fabrication. En clair, votre mauser C96 fabriqué en 1910 a toutes les chances de se retrouver en catégorie B (autorisation préalable), mais vous pouvez posséder un fusil Martini-Henry sans risquer la prison.

Les reproductions de ces armes antérieures à 1900 sont également en vente et détention libre, mais avec une nuance  : cela ne concerne que les armes tirant des munitions sans étui métallique. Traduisons donc : vous pouvez avoir un Martini Henry original, mais une reproduction est classée en catégorie C.

Les munitions et éléments de munition à poudre noire utilisables dans des armes historiques sont également listés en catégorie D.

Les matériels de guerre dont le modèle est antérieur au premier janvier 1946, et dont les armements sont rendus impropres au tir, passent maintenant dans cette catégorie D, en détention et acquisition libres. Cela résout donc le casse-tête réglementaire liés à l’utilisation des véhicules militaires de la première et seconde guerre mondiale…

Il faut noter que certains matériels de guerre postérieurs à 1946 peuvent également être classés dans cette catégorie – sous réserve de neutralisation bien sur – et que certaines pièces postérieures à 1900 et fonctionnelles peuvent également être classés en collection, mais dans les deux cas cela ne concernera que des équipements listés spécialement par un arrêté conjoint des ministères de la Défense et de l’intérieur. La porte est donc ouverte à la présentation – et à la sauvegarde – de pièces historiques spécifiques. Le décret cite d’ailleurs, pour le classement en collection de modèles postérieurs à 1900, l’intérêt culturel, historique ou scientifique des objets.

A noter également une exception de taille : les armes à feu camouflées sous la forme d’un autre objet sont en catégorie A, donc strictement interdits (sauf si ils sont neutralisés et d’un modèle antérieur à 1946, bien sur !). Il faut donc se méfier de certains joujoux historiques.

 Le transport des armes de la catégorie D est libre, si il existe un motif légitime.  Reste bien sur à avoir un motif légitime, qui sera comme toujours à l’appréciation du juge en cas de litige. Le transport suite à un achat, ou pour montrer à un acheteur, pour aller faire réparer la pièces, ou pour aller à un entrainement d’escrime sont à notre sens clairement des motifs légitimes. En revanche, la présence systématique de votre Martini-Henry (original, pour ceux qui ont suivi) dans votre coffre de voiture va poser un problème.

Le transport est bien évidemment possible si il a pour but d’amener l’arme à un endroit ou le port est autorisé. La grande innovation de ce texte est de préciser explicitement un cas de motif légitime de port de ces armes blanches ou de collection : la participation à une reconstitution historique Cela constitue une véritable reconnaissance de la légitimité pour l’administration de nos activités, il faut le souligner. Je ne résiste pas à la tentation de vous inclure le texte original de l’article 121 du décret :

« La justification de la participation à une reconstitution historique constitue le motif légitime de port pour les armes, éléments d’arme… »

Il ne s’agit pas d’une autorisation en blanc. Cette autorisation de port est strictement limitée au cadre de la manifestation. Sortir en tenue et armés le soir après la fin d’un rassemblement n’est pas permis. La manifestation doit de plus être… une manifestation, ce qui veut dire que le texte ne permet pas a priori  à quelques amis de partir faire une marche totalement privée dans les bois en tenue complète.

Pour finir, il faut noter que l’article liste explicitement les armes et éléments d’armes qui peuvent être portés dans le cadre d’une manifestation. Cette liste n’inclut pas les « Munitions et éléments de munition à poudre noire utilisables dans les armes historiques et de collection ». Cela ne signifie pas que le port de poudre noir soit interdit, cela signifie juste que la participation à une manifestation ne l’autorise pas automatiquement… la nuance est d’importance, et indique une certaine retenue du législateur sur le thème du tir à blanc en reconstitution. On peut le comprendre, la manipulation de ce type de munitions, même pour le tir à blanc, nécessitant une expérience et un encadrement sérieux.

Pour en savoir plus, nous vous renvoyons sur le texte complet :
Décret n° 2013-700 du 30 juillet 2013 portant application de la loi n° 2012-304 du 6 mars 2012 relative à l’établissement d’un contrôle des armes moderne, simplifié et préventif

 

 

 

 

 

 

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