Une fortification antique sur le Grand-Saint-Bernard

Si on entend parler du mur d’Hadrien ou des murailles d’Aurélien, cela nous évoque le passé militaire de Rome. Mais si on parle du « mur d’Hannibal », pour le coup, on ne sait pas trop de quoi il s’agit. Et bien il s’agit ni plus ni moins que de la plus haute fortification connue et fouillée à ce jour, précisément à 2640 m d’altitude, sur un éperon rocheux qui domine la vallée du Grand-Saint-Bernard en Suisse. Nous savons que l’armée d’Hannibal traversa les Alpes pour envahir l’Italie, avec le reste de ses éléphants. Cette fortification a-t-elle un rapport avec cette célèbre expédition ?

Les archéologues ont commencé par tout monter à dos d’homme, mais c’est finalement un hélicoptère de l’armée qui a fini par transporter le matériel jusqu’au site, identifié comme contemporain de la Tène finale, autrement dit de la période de la fin de l’Indépendance gauloise, au Ier siècle avant notre ère. A cette époque, Rome met la main sur l’Helvétie. L’endroit où a été retrouvé cette fortification était stratégique, car elle contrôlait la route menant au col.

Les archéologues ont mis au jour un large mur en pierres sèches de 270 m de long, et de 2 ou 3 m de haut. Ils ont également révélé des restes de bâtiments, de foyers, et quelques objets du quotidien. Mais qui étaient les occupants ? Pour l’instant, mystère ! De nouvelles fouilles devraient apporter une réponse à cette question, mais on est sûr qu’il ne s’agit pas des troupes d’Hannibal, car les dates ne correspondent pas. Certains pensent qu’il devrait s’agir de soldats romains ou de leur auxiliaires, mais d’autres pensent plutôt à des autochtones des tribus alpines, pour contrôler les échanges commerciaux entre le Valais et l’Italie (et faire payer des droits de passage), durant les 4 mois où le col est praticable.

Autant dire que pour une période aussi courte, il fallait que l’enjeu vaille la peine. D’où une autre hypothèse qui voudrait que les autochtones aient bâti cette position défensive pour contrer l’avancée des légions, mais qui auraient fini par les chasser du fort et l’occuper à leur suite. Il pourrait s’agir de soldat de la XIIe légion, envoyés dans la région (à Martigny) par Jules César en 57 av. J.-C., sans doute avec l’objectif de prendre possession du col. Mais l’opération est un fiasco. Harcelées, les troupes romaines se replient sur Genève. Il faudra attendre le règne d’Auguste, en 15 av. J.-C., pour que le général (et futur empereur) Tibère achève la conquête des Alpes. D’autres chercheurs pensent que le fort date précisément de cette époque.

En raison de sa position stratégique et son importance économique, le Grand-Siant-Bernard sera rendu carrossable sous l’empereur Claude. C’est par là que passeront les légions qui iront conquérir les provinces du Nord. L’association RAMHA (Recherches archéologiques du mur (dit) d’Hannibal), qui regroupe les passionnés du site, rêve aujourd’hui d’installer des panneaux et de mettre en valeur le mur, perdu dans la montagne.

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