La fabrication d’un sabre à Klingenthal sous l’Empire

Forge à KlingenthalTous les amateurs de Premier Empire connaissent le nom de la célèbre fabrique de Klingenthal, dont le nom est presque sur toutes les lames… Elle fut fondée en 1729 par Louis XV, qui installa dans une vallée Alsacienne une dizaine d’ouvriers recruté à Solingen, qui vont former le noyau des effectifs et maîtres travaillant sur le site. Le lieu n’est pas choisi au hasard… Les plaques avant la farication du barreau d'acierUne rivière fournit à la fois la force motrice pour les martinets et l’eau pour la trempe, et le grès d’Alsace fait d’admirables meules. Sous l’empire, en 1813, on comptera 668 ouvriers qui vont fabriquer plus de 70.000 sabres durant l’année !

Mais savez vous que la fabrication d’un sabre va nécessiter l’intervention de dix spécialités différentes ? Le premier est le forgeur de lame. La tâche est ardue, car l’on Martinetpart de plusieurs plaques d’acier que l’on va corroyer, c’est à dire plier à chaud, marteler, replier, remarteler, rechauffer, replier, jusqu’à obtenir un barreau de fer homogène et exempte de défaut. L’opération fait appel au martinet, un gros marteau actionné par la force de la rivière, qui va frapper sans relâche l’acier pendant cette phase de corroyage.

Ceci fait, on va mettre la lame en forme. La première étape consiste à souder à l’extrémité du lingot une pièce nommée le plion qui par étirage, va devenir la soie de l’arme. Il s’agit d’une petit lingot aplati que l’on plie en deux pour envelopper une des extrémités du barreau principal. étampe et contre étampePour mettre la lame en forme, le forgeur de lame va utiliser deux outils, nommés étampe et contre-étampe. Il s’agit de deux formes en acier, entre lesquelles on place le barreau porté au rouge, que l’on écrase ensuite d’un bon coup de marteau. N’imaginez pas que l’étampe fait toute la longueur de la lame… loin de là, elle ne mesure que quelques centimètres. Il va falloir avancer progressivement, en restant bien aligné… Attention à bien respecter la forme réglementaire, tout particulièrement pour les lames courbes. Pour cela, le forgeur dispose d’un gabarit en acier, dans lequel la lame doit s’ajuster… sinon, elle ne rentrera pas dans le fourreau.

Gabarit à Klingenthal

meule plate et à gorgeUne fois ceci fait, la lame passe entre les mains du trempeur, qui va lui donner à la fois flexibilité et dureté. Cette étape est fondamentale, et nécessite un savoir faire et un réel coup d’oeil, pour juger à la couleur de la juste température. Si vous souhaitez en savoir plus sur la trempe, nous vous recommandons de jeter un oeil à notre article sur le sujet « les aciers des épées, un peu de métallurgie« . L’aiguiseur est chargé d’aiguiser la lame, mais aussi de la polir. matrices pour dards et garnituresIl utilise pour cela les fameuses meules en grès des Vosges, dont certaines sont striées pour justement respecter la forme des gorges et gouttières des différentes lames.

Pendant ce temps là, le forgeur de garnitures va s’occuper des dards et bracelets en fer. Là aussi, les pièces sont forgées à chaud, dans des matrices spéciales. Gardes brutes de fonderieLe fondeur va quant à lui s’occuper de toutes les pièces en bronze ou laiton, qu’il s’agisse de la garde, ou des bracelets et chapes du fourreau. Il faut savoir que la garde est en général moulée à plat, et qu’il va ensuite falloir la mettre en forme…

Le graveur doreur va marquer la lame du nom de la manufacture, et éventuellement s’occuper des décorations, de bleuir les lames, ou de les dorer. Mais ces dernières graveur doreurtâches sont réservées aux seules lames de prestige… Le limeur va quant à lui s’occuper d’ébarber les pièces, et de préparer l’ajustage.

Le fabricant de fourreaux est un métier à part. Le fourreau est construit autour d’un gabarit en acier, nommé mandrin, qui permet d’avoir la forme exacte de la pièce voulue. Il faut savoir que le décabossage d’un fourreau se fait de la même manière, en Mandrin pour fabriquer un fourreauintroduisant dans le fourreau des gabarits de plus en plus épais. Il fait aussi appel au menuisier, qui fabrique les pièces en bois du fourreau, le cas échéant. Ces spécialistes sont différents selon que le fourreau est en fer ou en cuir. Pour ces derniers, le fabricant de fourreaux est nommé chamoiseur.

Et pour finir, on voit intervenir le monteur fourbisseur, qui assemble l’ensemble… Le sabre est prêt, Les étapes de la fabrication de la poignéeil ne lui reste plus qu’à passer les tests dont nous vous avons parlé dans un précédent article. Le contrôleur apposera ensuite ses poinçons.  On vous l’emballe, ou c’est pour consommer de suite ?

Si ce petit article vous a intéressé, nous vous recommandons une visite de la maison de la manufacture de Klingenthal, qui présente toutes ces étapes de manière fort didactique.

sabre_hussard_an_IV

Be Sociable, Share!